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"Penser l'ancien droit public : regards croisés sur les méthodes des juristes (III)", colloque avec le soutien du CTHDIP
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"Penser l'ancien droit public : regards croisés sur les méthodes des juristes (III)", colloque avec le soutien du CTHDIP
du 25 mars 2021 au 26 mars 2021
Colloque « en ligne »
Colloque organisé par
Nicolas Laurent-Bonne, professeur à l’université Clermont Auvergne
(Centre Michel de L’Hospital, EA 4232)
Xavier Prévost, professeur à l’université de Bordeaux
(Institut de recherche Montesquieu-CAHD, EA 7434)
avec le soutien du Centre toulousain d’histoire du droit et des idées politiques (UR 789)
Présentation
Dans un article célèbre publié en 1980, Jacques Poumarède constatait, non sans sévérité, que les historiens du droit paraissaient « complètement dépourvus de toute curiosité épistémologique ». Si depuis près de quarante ans, la situation a bien évidemment changé, il apparaît nécessaire de perpétuer l’interrogation sur les méthodes des juristes, et spécialement ici de ceux qui s’adonnent à l’étude historique du droit. C’est l’objectif poursuivi par cette manifestation qui, s’inscrivant dans le sillage de deux autres colloques, entend à nouveau interroger l’anachronisme des concepts, cette fois, pour la recherche en histoire du droit public.
Il suffit de s’intéresser à l’institution centrale de cette branche du droit – l’État –, pour apercevoir l’acuité d’un tel questionnement. En effet, l’utilisation du terme « État » constitue sans doute un exemple paradigmatique d’anachronisme conceptuel. Dans quelle mesure est-il possible d’y recourir avant que ne s’impose la théorie moderne de la souveraineté bodino-lockienne ? Si le substantif « État » est souvent employé comme un raccourci permettant d’alléger le propos, son utilisation ne soulève pas moins d’immenses questions épistémologiques, qui ont elles-mêmes de lourdes conséquences, non seulement juridiques mais aussi politiques et sociales. La question reste d’ailleurs d’actualité au regard de la remise en cause actuelle de ladite théorie.
Pourtant, en raison de sa fonction rétrospective, l’histoire du droit est souvent cantonnée à un simple rôle d’auxiliaire de la dogmatique juridique. D’aucuns évoquent alors une science sans objet juridique – autrement dit impure – s’intéressant exclusivement à des faits ainsi qu’à des phénomènes parallèles à l’élaboration de la norme. Dans une telle perspective, le normativisme kelsénien invite le juriste-historien à cloisonner la rétrospective historique et la dogmatique juridique.
Dès lors, l’on peut se demander si de telles précautions méthodologiques ne risquent pas, à l’inverse, d’incliner vers un cloisonnement des savoirs que Mikhaïl Xifaras explique notamment par la paresse intellectuelle des juristes et l’hyperspécialisation des connaissances. Depuis le milieu du XXe siècle, l’inflation législative et l’atomisation des branches du droit ont, en effet, immanquablement contribué au compartimentage du droit positif et de son histoire. Ce divorce, auquel s’exposent depuis plusieurs décennies le droit et son histoire, tient en partie à la dualité que peinent à assumer les historiens du droit, écartelés entre science historique para-juridique et dogmatique juridique anhistorique.
Dans le sillage des rencontres consacrées à l’ordre juridique médiéval et moderne (Clermont-Ferrand, 21 et 22 janvier 2016) et à l’ancien droit privé (Bordeaux, 9 et 10 mars 2017), ce colloque a donc pour ambition de livrer une réflexion épistémologique sur l’un des enjeux de l’historiographie juridique : peut-on penser l’ancien droit public à partir des catégories juridiques contemporaines ? L’histoire du droit semble avoir largement échappé à de tels questionnements, qui ont pourtant fait l’objet de débats nourris dans la plupart des autres champs de la connaissance historique. Afin de combler ce manque, la manifestation a notamment pour but d’interroger l’identification de concepts considérés comme quasiment atemporels, en ce qu’ils sont mobilisés pour presque toutes les périodes et civilisations ; que l’on pense à la liberté, la justice, aux pouvoirs publics ou bien encore à la police. Ces concepts, tout comme des institutions plus particulières, doivent permettre d’illustrer une réflexion d’ensemble sur les méthodes des juristes publicistes. Le colloque entend ainsi porter dans le champ du droit public le dilemme bien connu du rapport de la recherche historique au présent, telle l’opposition entre écriture d’une histoire continuiste et celle d’une histoire inactuelle. Plus largement, ces journées clermontoises, bordelaises et toulousaines souhaitent contribuer aux débats sur la place de l’analyse historique du droit, notamment en se demandant, comme le faisait il y a peu Étienne Picard à propos du droit comparé, si l’histoire du droit est du droit.
Comité scientifique :
Dans un article célèbre publié en 1980, Jacques Poumarède constatait, non sans sévérité, que les historiens du droit paraissaient « complètement dépourvus de toute curiosité épistémologique ». Si depuis près de quarante ans, la situation a bien évidemment changé, il apparaît nécessaire de perpétuer l’interrogation sur les méthodes des juristes, et spécialement ici de ceux qui s’adonnent à l’étude historique du droit. C’est l’objectif poursuivi par cette manifestation qui, s’inscrivant dans le sillage de deux autres colloques, entend à nouveau interroger l’anachronisme des concepts, cette fois, pour la recherche en histoire du droit public.
Il suffit de s’intéresser à l’institution centrale de cette branche du droit – l’État –, pour apercevoir l’acuité d’un tel questionnement. En effet, l’utilisation du terme « État » constitue sans doute un exemple paradigmatique d’anachronisme conceptuel. Dans quelle mesure est-il possible d’y recourir avant que ne s’impose la théorie moderne de la souveraineté bodino-lockienne ? Si le substantif « État » est souvent employé comme un raccourci permettant d’alléger le propos, son utilisation ne soulève pas moins d’immenses questions épistémologiques, qui ont elles-mêmes de lourdes conséquences, non seulement juridiques mais aussi politiques et sociales. La question reste d’ailleurs d’actualité au regard de la remise en cause actuelle de ladite théorie.
Pourtant, en raison de sa fonction rétrospective, l’histoire du droit est souvent cantonnée à un simple rôle d’auxiliaire de la dogmatique juridique. D’aucuns évoquent alors une science sans objet juridique – autrement dit impure – s’intéressant exclusivement à des faits ainsi qu’à des phénomènes parallèles à l’élaboration de la norme. Dans une telle perspective, le normativisme kelsénien invite le juriste-historien à cloisonner la rétrospective historique et la dogmatique juridique.
Dès lors, l’on peut se demander si de telles précautions méthodologiques ne risquent pas, à l’inverse, d’incliner vers un cloisonnement des savoirs que Mikhaïl Xifaras explique notamment par la paresse intellectuelle des juristes et l’hyperspécialisation des connaissances. Depuis le milieu du XXe siècle, l’inflation législative et l’atomisation des branches du droit ont, en effet, immanquablement contribué au compartimentage du droit positif et de son histoire. Ce divorce, auquel s’exposent depuis plusieurs décennies le droit et son histoire, tient en partie à la dualité que peinent à assumer les historiens du droit, écartelés entre science historique para-juridique et dogmatique juridique anhistorique.
Dans le sillage des rencontres consacrées à l’ordre juridique médiéval et moderne (Clermont-Ferrand, 21 et 22 janvier 2016) et à l’ancien droit privé (Bordeaux, 9 et 10 mars 2017), ce colloque a donc pour ambition de livrer une réflexion épistémologique sur l’un des enjeux de l’historiographie juridique : peut-on penser l’ancien droit public à partir des catégories juridiques contemporaines ? L’histoire du droit semble avoir largement échappé à de tels questionnements, qui ont pourtant fait l’objet de débats nourris dans la plupart des autres champs de la connaissance historique. Afin de combler ce manque, la manifestation a notamment pour but d’interroger l’identification de concepts considérés comme quasiment atemporels, en ce qu’ils sont mobilisés pour presque toutes les périodes et civilisations ; que l’on pense à la liberté, la justice, aux pouvoirs publics ou bien encore à la police. Ces concepts, tout comme des institutions plus particulières, doivent permettre d’illustrer une réflexion d’ensemble sur les méthodes des juristes publicistes. Le colloque entend ainsi porter dans le champ du droit public le dilemme bien connu du rapport de la recherche historique au présent, telle l’opposition entre écriture d’une histoire continuiste et celle d’une histoire inactuelle. Plus largement, ces journées clermontoises, bordelaises et toulousaines souhaitent contribuer aux débats sur la place de l’analyse historique du droit, notamment en se demandant, comme le faisait il y a peu Étienne Picard à propos du droit comparé, si l’histoire du droit est du droit.
Comité scientifique :
- ANNE ROUSSELET-PIMONT, professeur à l’École de droit de la Sorbonne (université Paris I)
- NADER HAKIM, professeur à l’université de Bordeaux
- JEAN-LOUIS HALPERIN, professeur à l’École normale supérieure (en attente)
- JACQUES KRYNEN, professeur à l’université Toulouse I Capitole
- NICOLAS LAURENT-BONNE, professeur à l’université Clermont Auvergne
- XAVIER PRÉVOST, professeur à l’université de Bordeaux