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Presse et justice : qu'en est-il de la présomption d'innocence? Table ronde organisée par le CTHDIP, semaine doctorale
Presse et justice : qu'en est-il de la présomption d'innocence? Table ronde organisée par le CTHDIP, semaine doctorale
le 9 juillet 2015
Arsenal
Semaine doctorale
Récits de justice
(7-10 juillet 2015)
Pour clore la première année de recherche du groupe DIKE, la semaine doctorale propose d’interroger les valeurs, représentations, symboles des justices en Europe à partir des récits produits par les acteurs et spectateurs de la justice (magistrats, auxiliaires de justice, justiciables, chroniqueurs judiciaires et publics). Les différents exercices de cette semaine (conférences, discussions d’ouvrages, analyse de sources et communications de doctorants) permettront d’exploiter plusieurs formes de récits, matériaux riches et insuffisamment mobilisés. L’objectif sera de mettre en lumière les productions et réceptions des discours sur la justice en Europe. Au-delà, elle offre un cadre convivial et original de formation pour de jeunes chercheurs européens.
Table ronde
Presse et justice : qu'en est-il de la présomption d'innocence?
(9 juillet 2015)
Seront réunis autour de la table des professionnels de la justice, de la police et du monde des médias qui nous feront part de leur expérience, afin de mieux cerner les enjeux de cette relation nécessaire et néanmoins conflictuelle entre la presse et la justice. Car il s'agit au fond de trouver un équilibre entre deux droits fondamentaux concurrents : la liberté d'expression et la présomption d'innocence (articles 11 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, article 10 et 6§2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales).
D'un côté, la liberté d'expression au service d'une légitime information du citoyen sur les affaires pénales qui intéressent la vie publique. De l'autre, le respect de la présomption d'innocence par les organes de presse, qui les contraint à une certaine tiédeur médiatique.
Or, dans une société de la transparence en proie à une boulimie d'information, la concurrence médiatique est féroce. L'opinion insatiable veut le scoop, le buzz, le sensationnel, le scandale. Tiraillés entre ces exigences contradictoires, les journalistes sont parfois tentés de franchir la ligne : le présumé innocent, peu vendeur, devient un présumé coupable.
Le plus souvent pourtant, les journalistes ne sont pas conscients du dérapage. L'utilisation abusive et erronée de certains termes a définitivement consacré la présomption de culpabilité par une sorte d'habitude sémantique, omniprésente dans les médias. « Les responsables présumés du sabotage... », « le procès des assassins présumés... », « les complices présumés... », « l'un des deux voleurs présumés... », « le meurtrier présumé de... ». La confusion de langage est grave, d'autant plus grave qu'elle ne choque plus personne. Nous nous sommes habitués au présumé coupable.
Mais la transgression du principe dans les médias peut aussi résulter d'une démarche réfléchie et délibérée – qui demeure très exceptionnelle – ou d'une simple négligence.
Au-delà de la dimension plus ou moins transgressive du propos, que son auteur soit de bonne ou de mauvaise foi, la question qui se pose dans tous les cas est celle des sources. Qui informe les journalistes? Le parquet, les avocats, les policiers, au mépris du secret de l'instruction, ou les parties civiles qui, elles, n'y sont pas tenues?
Enfin, abstraction faite du problème des « fuites », comment les professionnels de la justice et de la police envisagent-ils leur relation avec la presse?
Depuis la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence, pour « éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause. » (art. 11 du Code de procédure pénale). Périlleux exercice pour le procureur... Que faut-il dire? Que faut-il taire? La communication officielle suffit-elle à calmer les ardeurs de la presse et à éviter les dérives?
La situation des avocats et des policiers est un peu différente puisque la loi ne les autorise pas à s'exprimer officiellement. Ils n'en sont pas moins sollicités, pour ne pas dire harcelés par les journalistes, dans certaines affaires médiatiques. Comment réagir à de telles sollicitations? Choisir la prudence en gardant le silence mais en négligeant les droits de la défense (pour les avocats, si le dossier révèle des abus) et le droit à une légitime information du citoyen, ou parler à la presse en prenant le risque de violer le secret de l'instruction et de méconnaître le principe de la présomption d'innocence?
Du côté des journalistes, le débat soulève aussi de nombreuses questions déontologiques auxquelles la « Charte d'éthique professionnelle des journalistes » ne répond pas. On se demandera par ailleurs s'il n'est pas réducteur, dans ce débat, de mettre la presse sur la sellette, sans se poser la question des journalismes en général et de la chronique judiciaire en particulier. Qu'en est-il enfin des sanctions? Indépendamment des voies légales (action en réparation d'une atteinte à la présomption d'innocence, art. 9-1 du Code civil et action en diffamation, art. 29 al.1 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881), existe-t-il des sanctions internes aux organes de presse? Les sanctions encourues sont-elles dissuasives?
La problématique posée par le conflit de ces deux droits fondamentaux touche donc tous les acteurs du procès. Il s'agira par conséquent d'interroger le couple médias-justice, dans une perspective moins théorique que pratique, en mobilisant sur ce thème les professionnels concernés et en confrontant leurs expériences.
Intervenants
Animation de la table ronde
Marc Segonds (Professeur, Directeur de l'Institut d'Etudes Judiciaires de l'Université Toulouse 1 Capitole, et codirecteur du Master 2 Lutte contre la criminalité financière et organisée d'Aix Marseille Université)
Police
Roger Marion (ancien chef de la Division nationale antiterroriste, ancien directeur central adjoint de la Police Judiciaire chargé des affaires criminelles, Préfet honoraire)
Presse
Pascal Ceaux (rédacteur en chef adjoint à l'Express, en charge du service enquêtes)
Jean Cohadon (La Dépêche du Midi, chargé des relations avec le Palais)
Justice
Bruno Dalles (Procureur de Melun)
Nicolas Domenech (Avocat, Barreau de Carcassonne)
Alexandre Martin (Avocat, Barreau de Toulouse)
Inscriptions
Doctorants, enseignants-chercheurs, professionnels (autres qu'avocats)
Inscriptions des membres du Barreau - Modalités de validation des heures de formation