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"Regards croisés sur le droit privé africain. Coutumes et droit écrit : le dialogue impossible ?", Journée d'étude organisée par le CTHDIP
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"Regards croisés sur le droit privé africain. Coutumes et droit écrit : le dialogue impossible ?", Journée d'étude organisée par le CTHDIP
le 13 janvier 2021
9h15
Webinaire
DIKE - Groupe de recherche et séminaires doctoraux sur les cultures juridiques en Europe - Année 2021 : Le métissage des droits en Afrique subsaharienne. Regards croisés - Journée d'étude 1
Séminaire annuel Dikè 2021
Le métissage des droits en Afrique subsaharienne. Regards croisés
Journée d’études - 13 janvier 2021
Organisée par le CTHDIP, sous la direction de C. Gau-Cabée
"Regards croisés sur le droit privé africain. Coutumes et droit écrit : le dialogue impossible ?"
Le métissage des droits en Afrique subsaharienne. Regards croisés
Journée d’études - 13 janvier 2021
Organisée par le CTHDIP, sous la direction de C. Gau-Cabée
"Regards croisés sur le droit privé africain. Coutumes et droit écrit : le dialogue impossible ?"
Les systèmes juridiques des pays d’Afrique subsaharienne sont le produit d’une première interaction entre deux types de droits dits « traditionnels » : le droit musulman, dont la pénétration en Afrique est très ancienne, et les coutumes précoloniales, largement façonnées par une ontologie animiste.
Pendant la colonisation, ils subissent une troisième influence, celle du modèle juridique occidental, incarné par le Code civil dans les territoires placés sous domination française ou belge. On assiste alors à la rencontre de deux cultures juridiques que tout oppose : le modèle moniste légaliste (exogène) et le modèle pluraliste coutumier (endogène). Les autorités coloniales font le choix d’une assimilation progressive et différée qui se traduit par la survivance sous condition des droits traditionnels et la disparité des conditions juridiques pour les ressortissants des colonies. En droit privé, l’ordre juridique colonial est donc un ordre mixte, fondé sur la coexistence du droit civil français et des coutumes africaines sur le modèle d’un pluralisme juridique hégémonique.
L’ère des indépendances ouvre de nouvelles perspectives car les Etats africains, animés par des rêves d’unité et de progrès, optent pour la « modernité juridique », en renonçant dans une très large mesure à leur identité juridique traditionnelle. « L’idéologie du développement a pris la relève de l’idéologie civilisatrice » (R. Verdier).
Mais cette politique juridique moderniste est vécue comme une aliénation identitaire, car les destinataires de ces nouvelles normes demeurent étrangers à la logique et au fond de ce droit écrit qui s’appuie sur d’autres représentations que les leurs. Profondément inadaptée à la réalité socio-culturelle autochtone, la loi est privée de toute effectivité. Les pratiques révèlent une résistance multiforme, témoin du dynamisme de la tradition.
A partir des années 70, certains Etats prennent acte de cet échec et réforment leur droit en privilégiant une solution médiane, inspirée par un plus grand respect de cette tradition (République Démocratique du Congo, Sénégal, Togo, Gabon). Le droit étatique devient ainsi le support d’un droit nouveau, hybride dans son inspiration. La démarche permet de préserver l’identité africaine, sans pour autant nier les mutations politiques, économiques, sociales de la nouvelle Afrique. L’ordre juridique nouveau doit « réaliser la conjonction d’un futur à construire et des réalités d’un passé qui dure » (P.-F. Gonidec).
Aujourd’hui encore, la question de la réception du droit écrit demeure sensible. Les problématiques sont complexes et les questionnements nombreux. Qu’en est-il par exemple des codifications les plus récentes qui semblent révéler une régression des influences traditionnelles sur le droit privé de la famille, lorsqu’elles tendent à réduire les inégalités de genre (Code des personnes et de la famille du Bénin et du Togo révisés en 2004 et 2012, Code de la famille congolais réformé en 2016) ?
Il semble que certaines logiques juridiques endogènes entravent toujours la réception du droit écrit codifié, dans les champs les plus sensibles comme la famille et la terre, en tant que supports de la « conception négro-africaine de la vie saisie dans ses manifestations existentielles » (G. Kouassigan). Si, dans bien des domaines du droit privé, les règles écrites – devenues ineffectives – sont reléguées par les coutumes (ou, plus largement, par des normes informelles d’inspiration traditionnelle) au rang de droit théorique, virtuel, est-ce pour autant le cas dans tous les champs du droit, en particulier lorsque les femmes s’arment de la loi pour reconfigurer les rapports de genre et de générations au sein des familles ?
Comment rendre compte de la pluralité dans des Etats unitaires ? La voie de l’harmonisation, qui a déjà fait ses preuves en Afrique, pourrait être la solution. Elle a été mise en œuvre pour créer un système juridique commun aux Etats membres de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des affaires en Afrique (OHADA) et de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI).
Si le choix d’une politique juridique fondée sur le modèle précolonial est aujourd’hui exclu, la voie du métissage mérite d’être au moins explorée. Et parce que le rejet du droit occidental est d’ordre conceptuel, elle ne peut l’être que dans une perspective pluridisciplinaire. Il s’agit par conséquent d’interroger la place des coutumes et du droit écrit dans ces ordres juridiques pluralistes, leur mise en œuvre dans la gestion des conflits, en croisant les regards de chercheurs issus de différents horizons scientifiques : historiens du droit, anthropologues du droit et juristes privatistes.
Pendant la colonisation, ils subissent une troisième influence, celle du modèle juridique occidental, incarné par le Code civil dans les territoires placés sous domination française ou belge. On assiste alors à la rencontre de deux cultures juridiques que tout oppose : le modèle moniste légaliste (exogène) et le modèle pluraliste coutumier (endogène). Les autorités coloniales font le choix d’une assimilation progressive et différée qui se traduit par la survivance sous condition des droits traditionnels et la disparité des conditions juridiques pour les ressortissants des colonies. En droit privé, l’ordre juridique colonial est donc un ordre mixte, fondé sur la coexistence du droit civil français et des coutumes africaines sur le modèle d’un pluralisme juridique hégémonique.
L’ère des indépendances ouvre de nouvelles perspectives car les Etats africains, animés par des rêves d’unité et de progrès, optent pour la « modernité juridique », en renonçant dans une très large mesure à leur identité juridique traditionnelle. « L’idéologie du développement a pris la relève de l’idéologie civilisatrice » (R. Verdier).
Mais cette politique juridique moderniste est vécue comme une aliénation identitaire, car les destinataires de ces nouvelles normes demeurent étrangers à la logique et au fond de ce droit écrit qui s’appuie sur d’autres représentations que les leurs. Profondément inadaptée à la réalité socio-culturelle autochtone, la loi est privée de toute effectivité. Les pratiques révèlent une résistance multiforme, témoin du dynamisme de la tradition.
A partir des années 70, certains Etats prennent acte de cet échec et réforment leur droit en privilégiant une solution médiane, inspirée par un plus grand respect de cette tradition (République Démocratique du Congo, Sénégal, Togo, Gabon). Le droit étatique devient ainsi le support d’un droit nouveau, hybride dans son inspiration. La démarche permet de préserver l’identité africaine, sans pour autant nier les mutations politiques, économiques, sociales de la nouvelle Afrique. L’ordre juridique nouveau doit « réaliser la conjonction d’un futur à construire et des réalités d’un passé qui dure » (P.-F. Gonidec).
Aujourd’hui encore, la question de la réception du droit écrit demeure sensible. Les problématiques sont complexes et les questionnements nombreux. Qu’en est-il par exemple des codifications les plus récentes qui semblent révéler une régression des influences traditionnelles sur le droit privé de la famille, lorsqu’elles tendent à réduire les inégalités de genre (Code des personnes et de la famille du Bénin et du Togo révisés en 2004 et 2012, Code de la famille congolais réformé en 2016) ?
Il semble que certaines logiques juridiques endogènes entravent toujours la réception du droit écrit codifié, dans les champs les plus sensibles comme la famille et la terre, en tant que supports de la « conception négro-africaine de la vie saisie dans ses manifestations existentielles » (G. Kouassigan). Si, dans bien des domaines du droit privé, les règles écrites – devenues ineffectives – sont reléguées par les coutumes (ou, plus largement, par des normes informelles d’inspiration traditionnelle) au rang de droit théorique, virtuel, est-ce pour autant le cas dans tous les champs du droit, en particulier lorsque les femmes s’arment de la loi pour reconfigurer les rapports de genre et de générations au sein des familles ?
Comment rendre compte de la pluralité dans des Etats unitaires ? La voie de l’harmonisation, qui a déjà fait ses preuves en Afrique, pourrait être la solution. Elle a été mise en œuvre pour créer un système juridique commun aux Etats membres de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des affaires en Afrique (OHADA) et de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI).
Si le choix d’une politique juridique fondée sur le modèle précolonial est aujourd’hui exclu, la voie du métissage mérite d’être au moins explorée. Et parce que le rejet du droit occidental est d’ordre conceptuel, elle ne peut l’être que dans une perspective pluridisciplinaire. Il s’agit par conséquent d’interroger la place des coutumes et du droit écrit dans ces ordres juridiques pluralistes, leur mise en œuvre dans la gestion des conflits, en croisant les regards de chercheurs issus de différents horizons scientifiques : historiens du droit, anthropologues du droit et juristes privatistes.
Caroline GAU-CABÉE
Les communications se feront à distance et en visioconférence.
Le lien pour assister aux débats peut être obtenu sur inscription auprès de Madame Salaün à l’adresse suivante : nathalie.salaun@ut-capitole.fr
Programme
9h15 – Accueil des participants
Le regard des historiens du droit
9h30 - La tentation moniste et la réception du modèle juridique occidental en Afrique subsaharienne francophone après 1960 (C. Gau-Cabée, Université Toulouse 1 Capitole)
10h00 - Structures et mécanismes de l’organisation de la justice dans les sociétés traditionnelles de Côte d’Ivoire (Professeur S. Nene Bi, Université Alassane Ouattara de Bouaké)
10h30 - Débat
10h00 - Structures et mécanismes de l’organisation de la justice dans les sociétés traditionnelles de Côte d’Ivoire (Professeur S. Nene Bi, Université Alassane Ouattara de Bouaké)
10h30 - Débat
Le regard des anthropologues du droit
10h45 - Le quotidien du droit en Afrique subsaharienne : de la défiance à l'égard du droit moderne à l'innovation normative (Professeur C. Kuyu, chargé d'enseignement à l'Université Paris-Saclay et à l'Université Paris-5 Descartes)
11h15 - L’arme des « petits ». Les conflits d’héritage et la place du droit à Cotonou (Dr. S. Andreetta, Chargée de recherche FRS-FNRS, Université de Liège)
11h45 - Débat
11h15 - L’arme des « petits ». Les conflits d’héritage et la place du droit à Cotonou (Dr. S. Andreetta, Chargée de recherche FRS-FNRS, Université de Liège)
11h45 - Débat
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Pause
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Pause
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Le regard des juristes
14h30 - La place des droits traditionnels dans l’ordre juridique camerounais aujourd’hui (Professeur P.-E. Kenfack, Université Yaoundé 2-Cameroun)
15h00 - Le droit coutumier (africain), un droit à part entière et un droit largement à part (Professeur M. Thioye, Université Toulouse 1 Capitole)
15h30 - Débat
15h00 - Le droit coutumier (africain), un droit à part entière et un droit largement à part (Professeur M. Thioye, Université Toulouse 1 Capitole)
15h30 - Débat
Présentation de travaux
15h45 - La justice précoloniale en Mauritanie : Entre coutume et charia islamique
(Monsieur B. Ba, Doctorant du Centre d’Histoire et d’Anthropologie du Droit, Université Paris Nanterre)
(Monsieur B. Ba, Doctorant du Centre d’Histoire et d’Anthropologie du Droit, Université Paris Nanterre)
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Vidéos de la journée d'études
Interventions de l'après-midi :
Intervention de Monsieur le professeur Kuyu :
En raison d'un problème technique, nous ne sommes malheureusement pas en mesure de publier les images des interventions du matin.
Les communications de cette journée d'études seront prochainement publiées par les presses de l'Université dans la collection Dikè.
Vidéos de la journée d'études
Interventions de l'après-midi :
Intervention de Monsieur le professeur Kuyu :
En raison d'un problème technique, nous ne sommes malheureusement pas en mesure de publier les images des interventions du matin.
Les communications de cette journée d'études seront prochainement publiées par les presses de l'Université dans la collection Dikè.
Partenaires :
Les séminaires DIKE consistent en une recherche pluriannuelle et pluridisciplinaire sur les fondements, les contours et les contenus des cultures juridiques et judiciaires européennes, contemporaines et modernes. Opérationnels depuis novembre 2014, ces séminaires s'adressent à un public de chercheurs (enseignants-chercheurs, doctorants) et de professionnels (avocats, magistrats, etc.) et déclinent un programme triennal dans une perspective diachronique et comparatiste. L'année 2015 a été consacrée à la question des fondements et représentations des justices en Europe, hier et aujourd'hui. L'année 2016 s'est articulée autour de l'ambition du projet Louvel de transformation de la Cour de cassation : "Devenir une Cour suprême ". L'année 2017, a permis de s'interroger sur les figures du Justiciable .
Document(s) à télécharger
- 2021 - Présentation synthétique des débats PDF, 232 Ko